Les douze principes directeurs suivants sont destinés à aider ceux et celles qui interviennent auprès de personnes âgées qui sont ou risquent d’être victimes de maltraitance ou de négligence à faire valoir le respect de leurs droits d’une façon efficace qui soit conforme aux pratiques exemplaires.
1. Écouter la personne âgée
Pour intervenir dans un cas de maltraitance d’une personne âgée, il faut s’appuyer sur SA compréhension de la situation ou de la relation – et non pas sur les avis d’autres personnes. De même, une intervention doit porter sur des mesures qu’elle estime utiles et qui ne portent pas atteinte à sa vie privée. Cette approche consiste à apprendre à la connaître et à lui poser des questions respectueuses, tout en faisant preuve d’une écoute active.
Les conversations favorisent l’instauration de bonnes relations et d’un climat de confiance et elles permettent de passer en revue avec la personne âgée concernée les ressources qui pourraient lui convenir. L’écoute valorise son vécu et ses idées, contribuant à créer une dynamique d’échange plus propice à la guérison que celle d’une dynamique de contrôle qui caractérise les relations de maltraitance.
Il est généralement conseillé à un certain stade de s’entretenir en privé avec la personne concernée afin de s’assurer que des pressions indues ne sont pas exercées par d’autres personnes, c’est-à-dire qu’elle ne subit pas ce que l’on désigne une influence abusive. Il est également important de respecter la volonté de la personne âgée qui souhaite l’aide de personnes en qui elle a confiance.
2. Respecter ses valeurs personnelles
Il est important de respecter les valeurs personnelles, les priorités, les buts et les modes de vie de la personne âgée et de recenser les solutions et les réseaux de soutien qui conviennent le mieux à son cas précis. Un régime universel peut ne pas convenir à tout le monde. Comme c’est souvent un manque de respect à l’égard de la personne âgée, de ses valeurs et de ses choix qui est à l’origine de sa maltraitance, il faut veiller à ce qu’elle puisse exprimer librement les valeurs et les choix qui constituent son identité et favoriser sa liberté d’expression et l’affirmation de son identité.
3. Respecter et favoriser son autonomie décisionnelle
Toutes les personnes majeures capables de décider par elles-mêmes ont le droit de prendre les décisions qui les concernent, incluant celles qui peuvent paraître risquées ou malavisées, peu importe leur âge ou leurs limitations. Bien que les normes juridiques varient, le terme « capacité décisionnelle » (ou capacité mentale) désigne l’aptitude d’une personne à comprendre les renseignements pertinents et à prendre une décision motivée. Une personne majeure est présumée capable de décider par elle-même, à moins d’une ordonnance du tribunal ou d’un avis d’expert selon lequel cette personne est inapte à prendre une décision précise ou un type particulier de décision, par exemple, lorsqu’un tuteur a été nommé.
Il ne faut pas oublier qu’une personne peut être inapte à prendre un type de décision, mais capable d’en prendre d’autres. La capacité peut fluctuer et changer de jour en jour et dépendre de nombreuses circonstances, dont le stress. Il y a des personnes qui ne sont pas capables de prendre des décisions par elles-mêmes, mais qui sont en mesure de le faire avec l’aide d’une personne en qui elles ont confiance. Il faut toujours se demander si la personne âgée a besoin d’aide pour prendre une décision et explorer la possibilité que la personne qui l’accompagne généralement dans ses décisions prenne part aux échanges.
4. Obtenir son consentement ou sa permission
Dans la plupart des cas, il faut obtenir le consentement de la personne âgée avant d’intervenir, entre autres, avant de communiquer par téléphone à son sujet avec qui que ce soit. Le consentement est un processus continu. Il faut s’informer régulièrement auprès d’elle pour s’assurer qu’elle se sent à l’aise avec le déroulement des événements et qu’elle comprend qu’elle est libre de changer d’avis. La maltraitance affaiblit le sentiment de puissance et de contrôle et a un effet négatif sur l’estime de soi. Il faut s’assurer que les interventions effectuées ont pour effet de favoriser l’autonomie de la personne âgée et non de limiter davantage ses pouvoirs.
Dans certaines situations d’urgence, par exemple lorsqu’une personne a été agressée et qu’elle est inconsciente, il convient de composer le 911 sans son consentement.
5. Respecter la confidentialité et la vie privée
Il faut connaître les lois, les politiques et les codes de déontologie qui s’appliquent au respect de la vie privée et aux renseignements personnels. Dans la plupart des cas, il est interdit de divulguer des renseignements personnels et des renseignements sur la santé sans obtenir le consentement préalable de la personne concernée. La divulgation de renseignements confidentiels peut porter atteinte à la dignité d’une personne âgée, faire en sorte qu’elle n’ait plus confiance aux intervenants et nuire aux autres efforts investis pour lui venir en aide. Lorsque la divulgation est nécessaire, il faut lui expliquer la situation pour qu’elle sache qui aura accès à ces renseignements.
6. Éviter l’âgisme et la discrimination fondée sur la capacité
Il faut se montrer vigilant envers les attitudes discriminatoires fondées sur l’âge ou la capacité et envers la discrimination dans l’accès aux services. Il faut éviter de tomber dans les stéréotypes à l’égard des personnes âgées, liés notamment à leur capacité mentale et physique et à leur capacité de jugement. Il faut toujours présumer qu’une personne âgée est apte et la traiter avec la même dignité et le même respect accordés à toutes les personnes majeures.
7. Reconnaître la valeur de l’indépendance et de l’autonomie
Il faut respecter et protéger l’indépendance de la personne âgée autant que faire se peut, tout en l’aidant à obtenir l’aide dont elle a besoin. La maltraitance peut la priver de sa liberté et de son indépendance. Il faut veiller à ce que l’intervention prévue n’entrave pas davantage sa liberté personnelle. Pour ce faire, il faut l’interroger sur ses besoins et s’informer des formes de soutien qu’elle souhaite. Certaines personnes âgées ne demandent pas de l’aide parce qu’elles craignent d’être placées dans un établissement de soins de longue durée ou de perdre le droit de décider de leur avenir.
8. Adopter des pratiques tenant compte des traumatismes
Les personnes âgées qui sont victimes de maltraitance ont peut-être vécu différents types de traumatismes au cours de leur vie, dont des traumatismes intergénérationnels. Ces expériences traumatiques ont peut-être influé sur leur développement cérébral, leur compréhension du monde et leurs besoins en matière de sécurité et de guérison. Une compréhension de la dynamique des traumatismes et de leurs conséquences permettra d’apporter une aide concrète sans causer d’autres préjudices. Une formation en matière de pratiques tenant compte des traumatismes permettra également aux intervenants de prendre conscience de leurs propres expériences de traumatismes indirects déclenchés par les récits de maltraitance de personnes âgées, et d’y donner suite de façon appropriée. Surmonter un traumatisme peut démontrer une capacité de résilience pouvant être à la fois source d’espoir et de guérison à faire valoir dans des situations de maltraitance ou de négligence de personnes âgées.
9. Privilégier une analyse globale
Il faut considérer les personnes âgées dans leur globalité pour pouvoir déterminer l’aide et le soutien qui leur seront utiles et appréciés. Il faut être disposé à regarder au-delà de la question qui a mené à la rencontre avec la personne âgée ou qui a sonné l’alerte sur le problème de maltraitance ou de négligence dont elle est victime.
Il faut examiner, par exemple, si la personne âgée a besoin d’un logement plus approprié ou d’une aide financière, ou encore si elle a besoin d’aide pour avoir accès aux régimes de pensions. Si elle s’occupe d’une autre personne, dont un abuseur, il faut déterminer la meilleure façon de l’aider en sa qualité de fournisseur de soins. La personne âgée est-elle immigrante ou réfugiée, une survivante de violence conjugale, une personne d’origine autochtone, une personne transgenre ou une personne handicapée? De quelle manière son identité et son vécu influent-ils sur ses besoins? Quelle est la dynamique de pouvoir qui influe sur sa sécurité et son autonomie?
Il est probable que cette démarche fasse ressortir des besoins dont la réponse ne relève pas du champ d’activité ou de l’expertise de l’intervenant, d’où l’importance de disposer de renseignements à jour sur les organismes locaux vers lesquels la personne âgée peut être aiguillée pour obtenir d’autres types de services. La collaboration avec d’autres fournisseurs de services permet parfois de fournir une aide plus complète.
10. Respecter les valeurs culturelles
Reconnaître, respecter et intégrer les préférences, les besoins et les acquis culturels des personnes âgées fait partie de la mise en œuvre d’une approche axée sur la personne. L’intervenant doit porter une attention particulière à la façon dont une personne âgée évoque sa culture en racontant la maltraitance dont elle est victime, notamment aux obstacles et aux solutions possibles. L’intervenant doit reconnaître ses propres préjugés en matière de culture.
Certaines personnes considèrent la maltraitance des personnes âgées comme une perpétuation de la violence familiale prenant racine dans les relations familiales patriarcales. Pour certaines personnes immigrantes, le sens du devoir familial ou un sentiment de honte influent sur les choix à leur portée. En revanche, les relations culturelles et familiales peuvent s’avérer une source de force et de réconfort. S’informer de l’identité et de la communauté culturelle dont est issue une personne âgée peut aider à fournir de meilleurs services.
11. Respecter les relations importantes
Il faut être conscient des relations qui importent pour la personne âgée et aider à les maintenir, tout en offrant, s’il y a lieu, des stratégies de planification de la sécurité. Les relations familiales et celles avec d’autres accompagnateurs sont extrêmement importantes pour bon nombre de personnes âgées. Il se peut que ces dernières soient inquiètes pour la sécurité et le bien-être de leur conjoint, de leurs enfants ou de leurs petits-enfants, voire même de l’abuseur. Elles pourraient ne pas vouloir que l’abuseur ait des démêlés avec la justice. Répondre aux besoins de la famille et d’autres personnes à charge peut s’avérer crucial pour qu’une personne âgée se sente à l’aise à accéder à des services d’aide et de soutien pour elle-même.
12. Prendre en compte l’expérience autochtone
Le racisme et le colonialisme, par le truchement des pensionnats autochtones, des familles d’accueil, des établissements de santé et du système de justice pénale, ont eu des conséquences graves sur la vie de la plupart des personnes autochtones. En venant en aide à une personne âgée autochtone, il est important de prendre en considération les préjudices physiques, psychologiques, affectifs et spirituels qu’elle a subis par le passé, ainsi que ses préoccupations en matière de sécurité qui sont liées aux fournisseurs de soins de santé, aux services de police et d’autres institutions. La communauté et la culture autochtone peuvent s’avérer une source inestimable de force, de résilience et de guérison. Les personnes qui travaillent ou qui œuvrent à titre de bénévole au sein de collectivités autochtones devraient en approfondir leur connaissance et envisager de poursuivre une formation axée sur l’humilité et la sécurisation culturelle autochtone.